Depuis le NAB Show (National Association of Broadcasters) de Las Vegas en début d’année, jusqu’à l’IBC (International Broadcasting Convention) à Amsterdam, en passant par le NAB East Show de New-York plus récemment, AV1 ne cesse de prendre de l’ampleur. Chacune de ces rencontres de l’industrie attire plus de 100 000 professionnels de médias. Mozilla a assisté à ces shows pour faire la démonstration de la lecture d’AV1 dans Firefox, et a montré qu’AV1 est en bonne voie d’être largement adopté dans les navigateurs web.
L’équipe AV1 de Firefox, Coney & Mozilla à l’IBC 2018
Nathan Egge, ingénieur-chercheur chez Mozilla et membre de la fondation à but non lucratif Xiph.Org, explique dans les détails le codec AV1 lors d’un atelier à Denver. Nathan travaille dans la recherche en compression vidéo avec comme objectif de produire des standards ouverts, libres de droits et les meilleurs de leur catégorie pour les médias sur Internet. Il est coauteur du format vidéo AV1 de l’Alliance for Open Media et a contribué au projet Daala avant cela.
Les détails techniques d’AV1 par Nathan Egge (Mozilla) sur YouTube (30 min)
Pour vous convaincre de l’importance du succès d’AV1, la communauté Mozilla francophone vous a traduit un billet du blog de Mozilla qui explique les enjeux de ce codec vidéo libre pour le Web :
Une taxe invisible sur le Web : les codecs vidéo
Voici qui va vous surprendre : regarder des vidéos en ligne coûte de l’argent, même sur des sites gratuits comme YouTube. Pourquoi ? Parce que près de quatre cinquièmes des vidéos sur le Web reposent aujourd’hui sur une technologie brevetée, le codec vidéo H264.
Un codec est un programme qui permet aux ingénieurs de réduire la taille des gros fichiers média et de les faire circuler vite sur Internet. Dans les navigateurs, les codecs décodent les fichiers vidéo pour que nous puissions les lire sur nos téléphones, tablettes, ordinateurs et téléviseurs. En tant que simples consommateurs du Web, cette performance nous semble aller de soi. Mais la vérité, c’est que des entreprises paient des millions de dollars en droits de licence pour nous servir des vidéos gratuites.
Aujourd’hui, la plupart des fichiers vidéos peuvent être lus sur la majorité des appareils, grâce à l’omniprésence de H.264. Comment cette situation pourrait-elle changer ? Commençons par quelques faits qui régissent la grande industrie de la vidéo sur le Web.
Le streaming vidéo coûte (beaucoup) d’argent. Beaucoup d’entreprises paient énormément d’argent pour utiliser H.264. Il s’agit notamment de sociétés de logiciels et de réseaux, de créateurs et de distributeurs de contenu comme Netflix, Amazon et YouTube, et de fabricants de puces comme ARM. Où va l’argent ? À MPEG-LA, qui représente les inventeurs de la technologie aux États-Unis, au Japon, en Corée du Sud, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas.
Les codecs plus récents sont deux fois plus efficaces. Dans le monde des affaires, efficacité est synonyme d’argent. Une meilleure compression donne deux avantages commerciaux clés : une meilleure qualité vidéo et des coûts de bande passante réduits. Des entreprises comme Cisco, YouTube et Netflix paient des factures énormes pour envoyer des fichiers vidéo à votre navigateur. Aujourd’hui, plus de 70 % de tout le trafic internet est constitué de vidéos, et ce pourcentage devrait atteindre 80 % au cours des prochaines années.
Ces nouveaux codecs pourraient coûter dix fois plus. Le codec de nouvelle génération HEVC/H.265 de MPEG-LA est plus efficace que le codec H.264. L’inconvénient, c’est qu’il comporte 23 brevets et des termes particulièrement confus, créés à l’origine pour les lecteurs DVD. Selon les premières estimations, les droits de licence pour le codec H.265 pourraient coûter dix fois plus cher que ceux pour le codec H.264. Qui absorbera ces coûts ? À quel point les entreprises comme Netflix doivent-elles répercuter ce surcoût en hausse des tarifs pour rester rentables ?
Avec le codec H.264, les petits acteurs bénéficient d’un accès gratuit. Pour aider à créer une dynamique autour du codec H.264, Cisco a annoncé en 2013 que le codec H.264 serait open source. Cisco a offert gratuitement les binaires H.264 aux développeurs, de sorte que les petits magasins pouvaient ajouter des fonctionnalités de streaming à leurs applications. Mozilla utilise l’OpenH264 de Cisco dans Firefox. Sans la générosité de Cisco, Mozilla paierait des droits de licence estimés à 9,75 millions de dollars par an. Maintenant, la question est la suivante : Cisco couvrira-t-il également les frais de licence pour HEVC/H.265 ? Sinon, quel sera l’impact des redevances sur le développement web ? Comment les startups, les passionné·e·s et les projets open source auront-ils accès à cette technologie cruciale du web ?
Il a fallu deux ans aux entreprises pour mettre au point des accords compliqués aux plans juridique et financier et pour faire en sorte que les vidéos H 264 du Web soient lisibles partout. Maintenant que l’industrie se tourne vers l’utilisation de codecs vidéo plus efficaces, ces entreprises sélectionnent les technologies de nouvelle génération qu’elles vont prendre en charge. La fragmentation du marché soulève des inquiétudes : est-ce que notre passe-temps favori sur le Web, regarder des vidéos, sera toujours possible et à la portée de tous ?
Créons des codecs sans redevance
Mozilla s’est donné la mission de rendre la plateforme web plus performante et plus sûre pour tous ses utilisateurs et utilisatrices. Avec cet objectif en ligne de mire, l’entreprise soutient le travail de la fondation Xiph.org pour créer des codecs sans redevance que tout le monde peut utiliser pour compresser et décoder les fichiers média dans le matériel, le logiciel et les pages web.
Mais quand il s’agit de codecs vidéo, Xiph.org n’est pas le seul partenaire en lice.
Au cours de la dernière décennie, plusieurs entreprises ont créé des alternatives viables aux codecs vidéo brevetés. Mozilla a travaillé sur le Projet Daala, Google a publié le VP9 et Cisco a créé Thor pour faciliter la vidéoconférence. Tous ces efforts visaient le même objectif : créer une technologie de compression vidéo de nouvelle génération pour rendre le partage de vidéos de haute qualité par Internet plus rapide, plus fiable et moins coûteux.
En 2015, Mozilla, Google, Cisco et d’autres se sont joints à Amazon, à Netflix et aux distributeurs de matériel AMD, ARM, Intel et NVIDIA pour former AOMedia. Avec le développement d’AOMedia, les efforts pour créer un format de vidéo ouvert se sont concentrés autour d’un nouveau codec : AV1. Il repose en grande partie sur le code du VP9 de Google et inclut des technologies de Daala, Thor et VP10.
Pourquoi Mozilla aime AV1
Chez Mozilla, on aime AV1 pour deux raisons : pas besoin de payer une redevance, tout le monde peut l’utiliser gratuitement. Les entreprises qui font des logiciels peuvent l’utiliser pour créer du streaming vidéo dans leurs applications. Les développeurs web peuvent créer leur propre lecteur vidéo pour leurs sites. De quoi libérer des possibilités pour de nouvelles entreprises et d’abaisser la barrière d’entrée pour les entrepreneurs, les artistes et tous les autres. Et surtout, un codec sans redevance permet de mettre les vidéos de haute qualité à la portée de tous.
Source : Graphics & Media Lab Video Group, université d’État de Moscou
La deuxième raison pour laquelle nous aimons AV1, c’est qu’il fournit une technologie de compression meilleure que celle des codecs les plus performants – c’est environ 30 % de mieux, selon une étude de l’université d’État de Moscou. Pour les entreprises, cela se traduit concrètement par des fichiers vidéo moins lourds, plus rapides, moins coûteux à transmettre et qui occupent un moindre espace de stockage dans les data centers. Et pour nous tous, un accès à des vidéos superbes en haute définition grâce à des sites et services que nous connaissons déjà et aimons.
Open source, d’un bout à l’autre
AV1 est bel et bien en passe de devenir une alternative viable aux codecs vidéo grevés de brevets. Depuis juin 2018, la spécification AV1 est stable et disponible au public sans aucune redevance. Si vous souhaitez explorer en profondeur la technologie qui a permis de franchir le pas de Daala à AV1, jetez un œil à notre billet du blog Hacks AV1 : la vidéo de nouvelle génération – le filtre d’amélioration directionnelle contraint.
Traduction et relecture : Mozinet, Goofy, Marine, ksad et anonymes
Précédent article sur un projet Mozilla : Ne perdez pas la voix ! Common Voice
Le projet Common Voice de Mozilla a pour but de rendre Internet plus inclusif en créant une base de données de voix participative pour ne pas laisser les technologies vocales aux mains des GAFAM…
Crédit illustrations : Mozilla.
1 De sytoka -
Vous ne comparez jamais AV1 et le H265… Il me semble que pour être honnête et objectif, il faut dire que les deux sont équivalents et terme de qualité et de flux !
Vous ne dites jamais non plus que les brevets logiciels ne sont pas valables en Europe. Il faut continuer à sa battre contre la mise en place des brevets en Europe. C’est encore plus important que AV1 ;-)
En pratique, plus H265 est cher (à l’étranger), mieux c’est…
2 De Da Scritch -
Sytoka : pas faux mais…. le web est mondial, il ne se limite pas à la France. Donc il y a fortement besoin d’un codec audio et vidéo libre de droits et qui soit implémenté dans des puces de décompression matérielles.
3 De Bobosebastien -
@sytoka le graphique extrait de l’étude russe compare aussi des implémentations du codec H.265 : x265, Kingsoft HEVC Encoder et nj265
Par contre le choix de l’échelle est trompeur je trouve.