Dans le contexte de l’affaire PRISM, qui révèle à ceux qui en doutaient encore la surveillance généralisée d’Internet par le NSA et surtout la complicité des « géants du net » dont dépendent la majeure partie des internautes, Mitchell Baker, présidente de la fondation Mozilla, rappelle que Mozilla demeure fidèle à ses valeurs de respect des données privées (voyez par exemple le Manifeste de Mozilla). Firefox est en effet le seul navigateur majeur du marché qui ne soit pas proposé par une entreprise qui accepte de transmettre vos données à la NSA. Elle alerte ici sur les dangers de cette « maison de verre » numérique où notre jardin secret ne peut plus exister et en appelle à une prise en mains par les citoyens de la question cruciale de la surveillance par les États.
Traduction de l’article original intitulé « Total surveillance » de Mitchell Baker
Surveillance intégrale
(11 juin 2013)
Imaginez que vous vivez dans un monde où les bâtiments sont en verre et que vous ne pouvez jamais fermer les rideaux. Imaginez que le plancher est en verre, le plafond est en verre et tous les murs sont en verre. Il n’y a pas de rideaux, pas de stores ni de volets, ni rien qui vous permette d’avoir votre intimité. Nous allons tout droit vers ce monde quand nous sommes en ligne. Un solide réseau, des capteurs bon marché et la manipulation de données à une échelle gigantesque construisent l’équivalent des maisons de verre…
La question aujourd’hui est de savoir s’il est possible avoir des rideaux. Si une entreprise ou un écosystème fournissent des rideaux et si nous pouvons créer les nôtres. Aujourd’hui, il est très difficile de fermer les rideaux dans le secteur du commerce. Les sites web sont techniquement en mesure de suivre tout que nous faisons, depuis le temps que nous passons sur une page jusqu’aux publicités qui nous attirent, sans compter notre trajectoire de navigation d’un site à l’autre. Les données vous concernant peuvent être vendues à des tiers. Les données en ligne peuvent être combinées avec les données de votre monde physique et mises à disposition ou vendues à d’autres. Les opérateurs de téléphonie savent quand nous faisons un appel téléphonique, depuis quel lieu, qui nous avons appelé, combien de temps nous avons parlé, quelles sont nos habitudes au téléphone et bien d’autres choses encore.
Maintenant, nous savons que le gouvernement américain collecte d’importantes quantités de ces données. Actuellement, il est supposé utiliser seulement des « métadonnées » sur les appels téléphoniques de citoyens américains, et utiliser aussi le contenu des appels pour les ressortissants étrangers. Maintenant, nous savons aussi qu’il n’est pas non plus possible de tirer les rideaux quand nous sommes face aux gouvernements. Nous pouvons aussi nous demander combien d’autres gouvernements collectent ce type de données.
Voici maintenant le moment de nous demander : nous sentons-nous concernés ? Sommes-nous concernés lorsque nous découvrons que notre gouvernement nous observe et nous piste à notre insu ? Nous soucions-nous de savoir comment le gouvernement américain traite les citoyens des pays amis et alliés ? Sommes-nous concernés si d’autres gouvernements veulent imiter les États-Unis et récolter à leur tour ce type de données ? Comment les entreprises, les organisations et les individus considèrent-ils les États-Unis maintenant qu’ils savent dans quelle mesure nos activités en ligne sont sous surveillance ? Jusqu’à quel point les autres gouvernements en font-ils autant — que ce soit pour les citoyens ou pour des ressortissants étrangers ?
Comment garder un équilibre entre les droits du citoyen et la sécurité du pays ?
Chez Mozilla nous donnons depuis longtemps la priorité au contrôle personnel de la vie en ligne, y compris au degré d’intimité que peut désirer chaque utilisateur. Nous concevons des produits destinés à promouvoir cet objectif, et nous continuerons de le faire. En substance, nous essayons de fournir à chaque citoyen la possibilité de tirer les rideaux..
Toutefois, nos produits ne conçoivent pas les politiques gouvernementales. C’est le rôle des citoyens. Nous exhortons tous les citoyens à s’impliquer dans la question de la surveillance de masse par leur gouvernement. Ceci déterminera ce que sera réellement la vie en ligne à l’avenir. Nos maisons en ligne sont devenues de plus en plus transparentes et nos vies de plus en plus visibles pour quiconque veut les regarder.
Posons-nous la question : voulons-nous vivre dans une maison ou dans un bocal ?
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