Retour sur le fOSSa (Free & Open Source Software in Academia)

Compte rendu par David Rajchenbach-Teller, Performance Team, Mozilla

La semaine dernière, je suis allé présenter une partie du travail de Mozilla à FOSSa (Free & Open Source Software in Academia), une conférence dédiée aux liens entre le monde académique et le monde libre.

Bref résumé des points qui m’ont le plus marqué.

Éducation à l’informatique en France

L’éducation à l’informatique en France est dans une position manifestement assez périlleuse. Le bon point est que l’informatique s’enseigne maintenant en terminale S, en option. Le premier mauvais point est qu’il y a dans les esprits une assez forte confusion entre enseigner comment ça fonctionne (programmation), enseigner la théorie (algorithmique), enseigner comment s’en servir (bureautique, navigation) – et enseigner comment ne pas s’en servir (Hadopi) ! Le deuxième mauvais point est que l’informatique n’est pas enseignée par des informaticiens, mais par des professeurs de mathématiques, de technologie ou de physique, dont la formation est parfois inexistante, et qui doivent déjà se battre pour avoir assez d’heures pour enseigner leur matière principale. Ensuite, il y a des compagnies (Microsoft a été cité, j’imagine qu’il y en a d’autres) qui militent pour que l’informatique se réduise à la bureautique et à Hadopi, pour former de parfaits petits consommateurs. Enfin, il y a une incompréhension majeure parmi les personnalités politiques, qui n’ont aucune idée des enjeux de l’informatique et qui semblent fréquemment convaincus que l’informatique est une histoire de bidouilles que les enfants apprennent très bien par eux-mêmes, et qu’il suffit de les former à éviter de faire des bêtises – ce qui nous ramène à Hadopi.

Une société savante, la Société Informatique de France, à l’image de l’ACM aux USA, a récemment été fondée avec pour objectif de représenter les informaticiens auprès du monde académique, de manière à faire reconnaître l’importance et la valeur de l’informatique en tant que science. Bref, nous, les libristes, avons un énorme travail pour expliquer l’informatique et ses enjeux à la société autour de nous, pendant que Microsoft et Apple font de même avec des objectifs et une conception des utilisateurs très différentes.

Initiatives logiciel libre + éducation

Plusieurs présentations et retours d’enseignants sur leurs expériences avec le logiciel libre, prolongées par un atelier autour de l’éducation, avec des représentants de Gnome, Debian, Apache et Mozilla (moi-même).

Tout le monde s’accorde sur le fait que participer à un projet open source peut être une expérience extraordinaire pour un étudiant et pour son CV. Ce jour-là, seul Mozilla parlait d’enseigner aussi pour transformer les étudiants en des citoyens à part entière du monde technologique et pas seulement en des consommateurs.

Trouver des sujets sur lesquels des étudiants peuvent contribuer est quelque chose que les projets open source ont beaucoup du mal à faire. Chez Gnome ou LibreOffice, par exemple, il y a quelques personnes qui y passent un temps fou, et cela a l’air assez bancal. En comparaison, Mozilla avec les mentored bugs/Bugs Ahoy et avec les Mozilla Student Projects est beaucoup plus avancé.

Participer à un projet open source, ce n’est pas juste coder (ou traduire, ou rédiger), c’est aussi très largement communiquer. IRC n’est pas la langue maternelle de grand monde, a fortiori IRC en anglais. Cela vaut aussi pour les listes de diffusion. De la même manière, il n’est, semble-t-il, pas forcément évident pour tous les étudiants de demander de l’aide à des développeurs sans en profiter pour les insulter plus ou moins gravement.

Une autre grande difficulté se situe du côté des enseignants. Quel que soit leur niveau dans leur spécialité, très peu d’enseignants ont une réelle expérience des contributions open source, a fortiori de la pédagogie de l’open source. En pratique, ce sont les enseignants qui doivent apprendre à leurs étudiants à :

  • communiquer avec les projets FOSS, aussi bien par mail que par IRC ;
  • communiquer en anglais ;
  • gérer le temps en tenant compte des reviews ;
  • se servir des outils de développement (git ou autres) ;
  • gérer les conflits ;
  • oser trifouiller dans le code pour voir comment il fonctionne ;
  • oser soumettre des changements ;

…et c’est aussi aux enseignants qu’il revient de noter les contributions des étudiants, tâche particulièrement ardue.

L’une des principales conclusions est que, pour travailler avec le monde de l’éducation, nous devons commencer par former les enseignants, ce qui risque d’être difficile.

Une question est revenue : quand des écoles pourront-elles avoir accès à des Firefox Phones, histoire de mettre dans les mains d’élèves ?

Initiatives logiciel libre + recherche

Roberto di Cosmo a présenté l’IRILL, Institut de Recherche en Informatique du Logiciel Libre, dont l’un des rôles est d’aider les mondes académiques, industriels et communautaires à travailler ensemble.

Brève présentation aussi de Boost your Code, concours de l’INRIA, dont les gagnants remportent un CDD de un an à travailler sur leur projet libre.

Plusieurs conférences / ateliers / présentations sur divers projets de recherche académiques ou privés sous la forme de logiciels libres. Ocsigen (framework OCaml pour le développement web sûr et à hautes performances), Coccinelle (outil de refactoring sûr utilisé pour le noyau Linux), OpenStack (suite logicielle libre pour le cloud), etc.

Une remarque m’a particulièrement frappé, émise par un chercheur membre du public, qui se plaignait que XOrg avait refusé les idées de son groupe. Je ne connais pas du tout le background de ce chercheur, mais manifestement, il s’y prenait très mal pour interagit avec XOrg. Ce qui ramène à une question familière : comment aider les chercheurs qui ne sont pas des libristes à travailler avec nous ?

Autres

  • Charte du Libre Emploi : http://www.educationjobandfloss.org/charte-2/
  • Présentation d’Alexis Kaufmann sur la manière dont il approche le logiciel libre en lycées.
  • Présentation de FFOS par Tristan. Réussie mais pas autant d’enthousiasme qu’on pouvait l’espérer.

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